Fonctions dans MATLab et GNU Octave

On

.

Tout d'abord, sachez que MATLab est une marque déposée de Mathworks. Ensuite, sachez que dans la suite, Octave sera mis pour GNU/Octave. Enfin, sachez que n'en déplaise à certains pour la majorité des tâches courante Octave fait très bien son affaire et que pour le reste (calcul formel et compagnie), la logique veut qu'on choisisse un outil plus adapté. Un seul logiciel qui remplit plein de fonctions ne mérite pas d'attention : mieux vaut plein de logiciels qui ne font qu'une chose mais qui la font bien. Le libriste a parlé.

Voilà un article assez court pour parler des fonctions dans Matlab et Octave. Il y aura (bien sûr) du code et les différences entre les deux logiciels seront notées si elles existent.

Différence principale : le paradigme du fichier-fonction

C'est bien là une énorme (et bien gênante) différence entre Matlab et Octave. Dans le logiciel commercial, les fonctions doivent être écrites dans un fichier nommé comme la fonction et qui n'en contiendra qu'une.

Sous Octave, pour que les fonctions puissent être utilisés dans plusieurs scripts, il faudra aussi qu'elles soient écrites seules dans un fichier qui porte leur nom, toutefois, pour des fonctions internes aux scripts, il est possible de les écrire dans le fichier directement. Ce script compilera sous Octave et affichera la liste des nombres de 1 à 11:

clear all;
close all;

function res = plus_un(x)
    res = x+1;
end

for i=0:10
    disp(plus_un(i));
end

Par extension, dans Octave il est possible de définir des fonctions dans le prompt (la fenêtre de commande) mais pas dans Matlab.

Problème de ce paradigme

Si à première vue, il est plutôt bénéfique de forcer la création d'un fichier par fonction, il faut savoir que ça a tendance à déplaire aux programmeurs.

En effet, certains scripts sont plus simples si certaines parties sont déportées en fonctions. Les fonctions ainsi créées peuvent êtres utiles au script qui les définit mais ne servir à rien ailleurs : il n'y a alors aucune raison de leur dédier un fichier complet et elles aurait leur place au plus près du code les utilisant.

Syntaxe d'un fichier-fonction

La syntaxe d'une fonction est la même dans Matlab et Octave

function [<valeurs de retour>] = <nom de la fonction>(<liste d'arguments>)
    % <docstring en commentaire>

    <corps où chacune des valeurs de retour est définie au moins une fois>

end

Vous noterez l'absence de return, en effet, c'est la valeur que contient la variable qui est retournée. Vous remarquerez aussi que les valeurs de retour sont dans un tableau : c'est le moyen de renvoyer plusieurs valeur en fin de fonction.

Les arguments sont par défaut tous optionnels : la fonction nargin() à l'intérieur d'une fonction permet de savoir combien ont été passés lors de l'appel et donc d'adapter le comportement au besoin (d'autres méthodes existent).

La doctring, elle, permet de documenter l'effet de la fonction.

Enfin, sachez que quasiment tout est optionnel dans cette syntaxe. Ces fonctions sont valides (du moins dans octave) :

function say_yop
    disp('yop');
end

fonction say_num(num)
    disp(num1str(num));
end

Passage de fonction en argument

Il est possible de passer des fonctions en tant qu'arguments d'autres fonctions. Par exemple, je définis le fichier plot_func.m :

function plot_func(f, interval)
    % f est une fonction
    % interval un tableau [x0, x1]

    x = (interval(1):0.05:interval(2));
    y = zeros(length(x));
    for i=(1:length(x))
        y(i) = f(x(i));
    end

    plot(x,y)
end

(Oui, elle fonctionne).

Dans un second fichier (disons ma_fonc.m) :

function y = f(x)
    y = x^3+x-1;
end

Et taper ce qui suit dans le prompt affichera la courbe \(y = x^3+x-1, \forall x\in[0,1]\) :

plot_func(@ma_fonc, [0,1]);

Vous noterez (et c'est là tout l'objet de cette section) l'ajout d'un @ devant le nom de la fonction à passer en paramètre. Si ma_fonc est une fonction, @ma_fonc est un function handle : un objet qui représente une fonction et qui peut être appellé comme une fonction.

Fonctions anonymes : là où commence le lol

Les développeurs de Matlab ne sont pas complètement fous et ont ajouté une fonction intéressante (bien évidement présente dans Octave) : les fonctions anonymes.

Regardez ce code :

f = @(x) x^3+x-1;

f(2) % 9

Cet objet bizarre est une fonction. Et il ressemble étonnamment à sa notation mathématique : \(f : x \mapsto x^3+x-1\).

La syntaxe est simple

<nom> = @(<arg list>) <valeur de retour>

On peut donc créer à la volée ces fonctions anonymes (on parle de fonctions lambda aussi) et ce dans le prompt ou dans un fichier dans Matlab et Octave.

Bien sûr, si ça marche pour un ça marche pour deux arguments :

addition = @(x,y) x+y;

addition(1,2); % 3

Cool non ?

Bien sûr, on peut aussi passer des fonctions :

h = 0.0001; % c'est arbitraire

f = @(x) x^3+x-1;
diff = @(f, x) (f(x+h)-f(x))/h; % une définition un peu crade de la dérivée

A noter : pour passer une fonction anonyme en paramètre à une fonction il n'y a pas besoin de mettre un ``@``.

Explication (un peu technique) : Lorsque l'on ajoute un @ devant un nom de fonction, on crée un function-handle ou plus précisément une référence vers cette fonction (un peu comme un pointeur). Cette référence est automatiquement déréférencée par l'utilisation de parenthèse ce qui fait qu'appeller la référence comme une fonction revient à appeler la fonction. Quand on crée une fonction anonyme, on doit l'associer à une variable en faite, dans f = @(x) x^3+x-1 il y a deux choses : la création d'une fonction (@(x) x^3+x-1) et la création d'une référence pointant vers cette fonction d'une part et l'affectation de cette référence à la variable f d'autre part.

Exemple 1 : Dérivée

Ci-dessus, diff(f,x0) calcule une approximation du nombre dérivé de \(f\) en \(x_0\). La définition propre d'une dérivé est la suivante :

\begin{equation*} f'(x) = \lim_{h\to0} \frac{f(x+h)-f(x)}{h} \end{equation*}

On peut l'approximer ainsi (pour \(|\Delta x| << 1\)) :

\begin{equation*} f'(x) = \frac{f(x+\Delta x)-f(x)}{\Delta x} \end{equation*}

On a alors la possibilité d'écrire une fonction qui renvoie la fonction dérivée de toute fonction passée en paramètre :

h = 0.0001; % c'est arbitraire
derive = @(f) ( @(x) (f(x+h)-f(x))/h )

Et pour l'appel :

f = @(x) x^3+x-1;
f2 = derive(f);

La fonction derive pourrait être exprimée ainsi :

\begin{equation*} derive : f \mapsto f' \end{equation*}

C'est donc une fonction qui prend en paramètre une fonction et qui renvoie une fonction. Je vous avais prévenu, c'est puissant.

Exemple 2 : partial()

Certains langages disposent de la fonction partial qui prend une fonction de plusieurs variables et une liste d'arguments à fixer et qui renvoie une fonction de une ou plusieurs variables (mais moins qu'avant) en ayant fixé une partie des arguments. Par exemple, pour une fonction de 2 variables :

\begin{equation*} partial : f(x, y), (x=a) \mapsto f(x=a, y) \end{equation*}

Ce genre de fonction n'existe pas dans Matlab ou Octave de base, mais on peut les écrire facilement :

f = @(x,y) x+y;
partial = @(f,a) ( @(y) f(a,y));

plus_un = partial(f,1);

On commence par créer une fonction de x et y qui calcule x+y. On définit ensuite une fonction partial qui a f et a associe une fonction \(y \mapsto f(a,y)\). Enfin, on utilise partial et f pour écrire la fonction plus_un qui ajoute 1 a un nombre passé en paramètre (dans le jargon des langages de programmation, cela s'appelle du currying).

Conclusion

Même si la syntaxe est pas forcément très agréable, les fonctions dans Matlab et Octave sont relativement puissantes.

L'utilisation de fonctions anonymes permet de rendre le code plus lisible et plus facilement réutilisable. De plus avec un peu d'habitude, ce genre de programmation est plus simple et beaucoup plus rapide à mettre en œuvre.

Enfin, ces fonctions anonymes permettent de combler certains manques du langage (currying, closures, décorateurs, etc...) et rendent la programmation sous Matlab et octave légèrement plus agréable (ça ne vaut toujours pas un C, un Python ou un Haskell, mais c'est mieux que rien :)).