Published by matael
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Derrière cette question bien philosophique se cache un problème plus concret. L'OpenData et les concepts la sous-tendant sont souvent considérés comme des sujets de discussion réservés aux techniciens. C'est à mon sens une erreur, et je considère l'OpenData comme vraiment importante pour la démocratie et non comme une simple lubie de geek.
La technologie au service de la cité
Alors que les conjecture de Moore ont largement porté leurs fruits ces dernières années, que l'on a atteint une capacité de stockage et de calcul simplement phénoménale, on est en droit de se demander quels sont les apports de cette vague technologique à notre société.
L'outil informatique permet en effet le traitement et la diffusion d'un grand nombre de données. Il autorise aussi à un plus grand nombre de personnes l'accession et la modification simultanée (ou quasi) d'un nombre sidérant d'informations.
Si les exemples courants (loisirs, distractions, productivité, etc...) sont plutôt décevants, il peut toutefois être intéressant de regarder ce que la technologie a changé dans notre rapport à la vie en société et à la prise de décision.
Au niveau de la connaissance, l'apport de l'informatique n'est plus à prouver : entre encyclopédie participative, outils d'édition simultanée, mise en réseau, distribution de contenus, etc... l'informatique s'est trouvé une place de choix dans le domaine. Cet accès facilité à la connaissance a permis aux gens de mieux comprendre les enjeux politico-économiques et de se rendre compte que se renseigner était plus simple qu'auparavant.
Dans la juste lignée, nos hommes politiques se sont intéressés de plus en plus près à leur image et à son importance. Plus visibles, leur actions sont donc immédiatement plus critiqués (ou du moins par plus de personnes).
Démocratie participative
La question de la démocratie participative ne s'est pas posée publiquement depuis longtemps. Avec l'augmentation de la taille des Etats, il devenait difficile de faire participer l'ensemble de la population aux décisions. La République est d'ailleurs un régime créé pour remplacer le régime démocratique en donnant le pouvoir à un nombre restreint de personnes (pas forcément représentatives de la population réelle).
Aujourd'hui, avec l'avènement d'un immense réseau mondial, on est de nouveau en droit de penser que la démocratie participative est plus qu'un simple rève.
Je vois déjà venir la critique sur la dernière phrase : je ne dis pas que ce serait simple de la mettre en place ni que ça se ferait rapidement. Je dis simplement que c'est envisageable. Avec une éducation cohérente, on peut potentiellement créer une société participative...
On pourrait tout du moins réfléchir à utiliser l'outil informatique pour rendre plus facilement compréhensible les lois et leur modification à la population... et pourquoi pas, encourager les propositions de modification ?
Pour ceux qui me prennent pour un fou (et merci à @aluriak de m'avoir rappelé ce magnifique exempe), sachez que l'Islande est le premier pays au monde a avoir tiré au sort 1000 personnes pour particiiper à la réécriture de leur constitution. Elle n'est pas pleinement participative (même si des consultations participatives ont eu lieu) mais constitue un bon exemple de la réimplentation de comportements démocratiques.
OpenData
Reste la question de la place de l'OpenData dans notre société.
L'ouverture des données publiques permet de mieux comprendre le monde qui nous entoure. Je m'explique. Si l'ouverture de jeux de données démographiques et sociaux a lieu, alors la population n'aura plus à reposer sur de prétendus sondages pour son information. Cette ouverture permettra au moins de connaître les évolutions sociales en cours, mais pour plus d'efficacité, une telle ouverture doit se faire accompagnée d'une exploitation cohérente des données.
Soit on explique clairement comment utiliser et lire les jeux de données bruts (par des documentations correctes, etc...) soit on met en forme lesdites données en influant le moins possible sur leur signification (utilisation d'échelles adaptées, construction de statistiques précises et correctes, etc...).
L'éducation peut aussi avoir son rôle à jouer ici : utiliser des données concrètes et actuelles dans l'explication de phénomènes de société dans le cursus éducatif permettrait une meilleure prise de conscience. Il est nécessaire, si on veut construire une société consciente d'elle même, d'inculquer à ses membres une réflexion et une envie de comprendre.
Et la démocratie ?
La démocratie dans tout ça, elle vient avec l'ouverture d'esprit. Comment prétendre à une société démocratique où les décisions seraient prises par (au moins) une majorité des membres si on ne leur donne pas la possibilité de comprendre les problèmes ? Pour pouvoir s'opposer aux décisions prises, argumenter, proposer des choses, il faut avoir des données, des chiffres, des informations fiables quant à la situation.
Aujourd'hui, ce pré-requis n'est pas rempli. Il est difficile (sinon impossible) d'obtenir des informations parfaitement fiables et à jour sur la situation économique et/ou politique.
Il est urgent de fournir des données correctes, à la fois sur les services les plus locaux et sur l'état social des communautées (quelque soit leur taille). Les informations brutes sont importantes, et il faut aujourd'hui permettre à la population de se référer à des données démographiques, politiques, sociales, etc... fiables les plus brutes possibles.
Contre-pouvoir
Certains m'ont opposé qu'une telle ouverture pourrait amener une forme d'instabilité et favoriser la mise en place de contre-pouvoirs. La démocratie se construit sur l'existence même de contre-pouvoirs et sur le débat. Pour que des débats aient lieu, il faut des informations. Il faut aussi voir que, si l'ouverture et l'éducation populaires sont menées de concert, alors il n'y aura une instabilité que le temps qu'une voie de consensus apparaisse. La vitesse d'apparition de ce consensus dépendant de la qualité de modération du débat citoyen.
Machine à voter
Voilà un sujet qui revient souvent sur le tapis. Les machines de vote sont une des utilisations de la technologie les plus polémiques qui soient.
Ces machines représentent pour le processus démocratique le plus gros point de changement.
Elles posent plusieurs problèmes. Outres les bien connus soucis de sécurité, le fait que le logiciel lui même ne soit pas parfaitement ouvert est un écueil.
La fiabilité (même relative) des élections réside dans la capacité de tout votant à contrôler le processus électoral personnellement, depuis l'insertion des bulletins dans l'urne jusqu'au comptage et à la publication des résultats. Cette possibilité constitue une soupape de sécurité pour un Etat qui souhaite conserver un peu d'intégrité démocratique.
Les machines de vote ne permettent pas de vérifier ce comptage. Elles ne garantissent pas de manière transparente la fiabilité du comptage (non, une machine ne compte pas mieux qu'un humain quand on est incapable de vérifier).
La technologie aura encore beaucoup de travail à faire avant de s'implanter réellement dans la désignation des représentant officiels. C'est un des domaines où la fiabilité ne peut se satisfaire de la confiance envers un tiers.
Voilà donc quelques points à réfléchir... Souhaite-t-on réellement que les avancées technologiques modifient à ce point notre rapport au monde au point que nous délèguions tout à des machines ? Finalement, veut on vraiment laisser les choix à des technocrates éclairés ou préfère-t-on pouvoir quand même jeter un oeil nous même aux données et réfléchir ? ....